Communications alternatives des ONG

Analyses de Mathieu Monfourny

Responsable de l’agence de communication sociale et solidaire pour l’association Old School

Bio et vidéo

Designer graphique indépendant, il réalise depuis plus de trois ans le pilotage de projets de communication pour des associations de la région mulhousienne et d’ailleurs. Impliqué dans le milieu associatif et culturel, cela lui permet une meilleur appréhension des besoins et des demandes de celles-ci.

 

 

Durée de la vidéo: 11mn

En synthèse

Old School est une association culturelle Mulhousienne qui promeut depuis 20 ans la parole sous toutes ses formes, qui sont triples : une radio associative MNE, des ateliers d’éducation aux médias depuis 2005, et, une agence de communication sociale et solidaire depuis 2012.

Implantée dans le tissu associatif local, l’agence de communication propose de mettre en relation les associations et les acteurs de l’ESS (ayant souvent des budgets limités) avec des « talents en communication », communicants indépendants qui ont un esprit social et solidaire, et se sentent proches des causes associatives et parfois militantes.

Il s’agit de mettre en accès libre aux associations un carnet d’adresse d’une trentaine d’indépendants réunissant des compétences diverses (webdesign, graphisme, illustration, photo, vidéo, son, etc.), afin qu’elles puissent venir se servir quand elles ont des besoins. A la différence des agences de communication traditionnelles, l’agence d’Old School peut faciliter le lien entre associations et talents, mais elle ne se place pas forcément en intermédiaire (tarifant la réalisation de briefs etc.), et les associations peuvent avoir une relation directe avec les communicants.

Dans son travail, l’agence a observé que la société civile locale se trouve parfois vraiment éloignée de la compréhension des outils qui sont à leur disposition pour la communication1. Elle assure donc un accompagnement à la communication auprès des responsables associatifs autour de leurs projets particuliers. De plus, l’agence propose des formations aux bénévoles d’associations, pour mieux appréhender les arcanes et les outils de la communication.

La Radio MNE  est une radio « presque libre », où « n’importe qui peut dire n’importe quoi mais pas n’importe comment ». Elle propose aux individus, associations, groupes politiques de venir s’exprimer au micro de manière assez libre. La radio est sans publicités. Des ateliers d’éducation aux médias sont organisés, avec des interventions dans les écoles, les lycées, le milieu carcéral, du handicap etc. Il est proposé à des stagiaires de fabriquer eux-mêmes un média radiophonique, à partir de la philosophie selon laquelle c’est en faisant qu’on apprend2. Il parait important de faire passer cette pédagogie selon laquelle pour comprendre la société dans laquelle on évolue (surtout pour le jeune public), il faut déjà appréhender quelles sont les informations que l’on veut nous faire passer.

« Nous vivons dans un monde où les multinationales occupent la plupart du spectre médiatique, il est donc essentiel que la société civile s’empare des moyens de la communication et se rende visible et lisible pour ses publics. (…) On peut souhaiter que des modèles d’agences de communication sociale et solidaire se développent un peu partout »

Nous vivons dans un monde où l’image est omniprésente et où les multinationales occupent la plupart du spectre médiatique. Il est donc essentiel que la société civile s’empare des moyens de la communication et se rende visible et lisible pour ses publics. Les grandes marques se forment des identités assez fortes pour qu’on les identifie avec très peu de choses, parfois seulement avec une couleur3. Aujourd’hui des marques sont passées dans le vocabulaire, sont idolâtrées par certains enfants, et sont devenues des signes d’intégration sociale. Ouvrir les yeux sur la publicité consiste déjà à l’identifier, par rapport à ce qu’est l’information (par exemple décrypter ce qu’est un contenu sponsorisé est difficile pour certains notamment les plus jeunes)4, et la création médiatique permet notamment cela.

Dans le cadre des débats avec le public, Mathieu a développé plusieurs enjeux, dont le défi de l’articulation entre formation à la communication et les stratégies et outils alternatifs de communication. L’association Old School forme notamment les acteurs du tissu associatif à utiliser des logiciels, y compris les outils dominants comme Google, Facebook et Twitter… Ils n’en font pas la promotion, et invitent à aller voire les outils alternatifs, notamment de Framasoft. Mais la réalité de certaines associations est tellement éloignée de la connaissance des outils et méthodes fondamentaux de la communication elle-même, qu’il y a souvent des enjeux pédagogiques et des besoins qui précèdent la sensibilisation aux outils alternatifs.

Il faut parfois aussi lutter contre une course effrénée aux réseaux sociaux, pour des objectifs de visibilité qui ne sont pas nécessairement prioritaires dans la communication efficace sur le tel ou tel projet. La question du budget reste prégnante aussi pour les petites associations qui veulent communiquer. Les budgets d’impression leur posent souvent des difficultés financières, ce qui nous amène régulièrement à leur proposer des solutions dématérialisées, qui passent malheureusement aujourd’hui souvent par des réseaux sociaux dont les modèles sont contestables (mais nous leur proposons aussi des alternatives, radiophoniques ou autres).

On peut penser que de nombreux communicants- graphistes, photographes et autres – qui travaillent dans des agences traditionnelles en ont assez d’être au service de certaines marques et pour certains produits. Certains ont fait des écoles d’arts et voudraient pouvoir exploiter leur créativité, mais ils se sentent bridés par le marketing, par le fait de devoir ne mettre en avant que des prix ou des dates… Il est important de créer de la communication qui ait du sens pour nous, en tant que graphistes et autres communicants, et qui soit proche de notre éthique5. On peut souhaiter que des modèles d’agences de communication sociale et solidaire comme la nôtre se développent un peu partout, que les bonnes volontés de la communication se mettent au service de l’associatif – de manière abordable ce qui implique une part de bénévolat – afin de soutenir des causes louables et utiles pour la démocratie.

Notes

1 Des gens viennent nous voir en disant qu’ils ne comprennent pas pourquoi l’achat d’un article dans un journal pour leur communication n’a pas les résultats escomptés, et on découvre parfois que leurs membres n’ont même pas été mis au courant de l’événement qu’ils fabriquent… On essaye souvent de sensibiliser les associations au fait que le bouche à oreille reste un des premiers moyens de communiquer entre nous, et une étape importante pour toucher des cercles de plus en plus grands.

2 Ou, pour reprendre Jello Biafra : « don’t hate the media, become the media ».

3 Voir l’image projetée durant la présentation, qui rassemblant divers « logos simplifiés » de marques connues.

4 Sur ce sujet, Sébastien invite à regarder l’épisode 265, ou épisode 8 de la saison 19, de Southpark.

5 A ce titre, Mathieu indique que le travail de Brandalism (voire intervention de Peter Marcuse au colloque SPIM, ou diectement le site du collectif: www.brandalism.ch) est intéressant dans la mesure où ils détournent des codes qu’on peut trouver esthétiquement joli, mais qui sont au service de causes qu’on ne cautionne pas.

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MATHIEU MONFOURNY
Responsable de l’Agence de Communication Sociale & Solidaire pour l’association Old School

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