A PIRC, nous avons produit plusieurs recherches sur les valeurs culturelles et leur effets sur les comportements, restituées notamment dans le rapport Think of me as a evil (2011) qui se concentre sur les effets de la publicité. L’industrie défend que la publicité n’est qu’un miroir de nos valeurs, qu’il nous renvoie le reflet de qui nous sommes et ce qui est important pour nous, ce qui n’est vrai que dans une certaine mesure. Cette approche sous estime en effet la mesure dans laquelle nos goûts et nos habitudes établies peuvent en fait être changés, et nos valeurs modelées par notre environnement. Étant exposés à de nombreux messages publicitaires au quotidien, la publicité prend une part significative dans notre environnement, et par conséquent, est susceptible de modeler nos valeurs.
Sur la base de recherches de grande ampleur, Shalom H. Schwartz a identifié une soixantaine de valeurs récurrentes à travers le monde, elles-mêmes réunies en 10 grandes familles. Celles-ci sont positionnées précisément sur une carte, selon la proximité des motivations qui les déterminent. Les valeurs qui sont proches les unes des autres – comme par exemple « modération » et « obéissance » – partagent des motivations plutôt similaires, et peuvent donc être ressenties en même temps par une personne. Au contraire, les valeurs qui sont spatialement éloignées – comme par exemple « obéissance » et « audace » – ont des motivations très différentes, et pourront difficilement être mobilisées à un même moment par une même personne.
Le travail de Frederick Grouzet et Tim Kasser sur ces dynamiques de valeurs a fait émerger deux grands pôles, les valeurs intrinsèques et les valeurs extrinsèques. Le premier réunit les familles de valeurs suivantes : bienfaisance, universalisme, et autonomie. Elles sont appelées « intrinsèques » car les motivations derrière ces valeurs (ou les récompenses qui leurs sont associées) viennent de l’intérieur, sont appréciées pour leur intérêt propre. De l’autre coté, les valeurs dites « extrinsèques » regroupent les deux familles de valeurs que sont le succès et le pouvoir, qui incluent par exemple l’« ambition », la « richesse » et le « statut social ». Elles ont en commun le fait que les gens y aspirent en raison de motivations extérieures, leur accomplissement dépendant par exemple de comment d’autres personnes nous voient, ou de leur situation par rapport à nous. Les valeurs au sein d’un même pôle ont tendance à se renforcer mutuellement lorsqu’elles sont mobilisées, et à rendre difficile la mobilisation de valeurs du pôle opposé.
De nombreuses recherches ont été effectuées sur le type de comportements auxquels poussent ces différents pôles de valeurs : lorsque des valeurs intrinsèques sont engagées, elles sont plus associées à des préoccupations autour des droits humains et du changement climatique, et à des comportements environnementaux et de coopération. Lorsque des valeurs extrinsèques sont mobilisées, elles sont plus associées à des préjugés, une faible préoccupation pour l’environnement, et l’engagement dans des relations de dominations vis-à-vis des gens. Il ne s’agit pas de juger de « bonnes ou de mauvaise valeurs » sachant que toutes sont présentes à différents degrés en chaque individu, mais d’identifier le type de comportements auxquelles la stimulation de certaines d’entre elles à tendance à donner lieu.