Le développement des bloqueurs de publicités chez les lecteurs en ligne peut être considéré comme une forme de vote, et les positions moralisatrices du groupement des éditeurs, le GESTE, procède comme une forme de chantage à la démocratie : « si vous voulez avoir accès à des contenus gratuits, permettez-nous de collecter autant de données que nous voulons (même si nous ne sommes pas clairement en mesure de vous dire ce qui est fait de vos données) ». L’enjeu démocratique apparaît d’autant plus important que les principaux médias – ceux attirent le plus d’attention – n’apparaissent pas nécessairement comme étant les meilleurs médiateurs du débat public. Souvent, on peut y observer une certaine révérence par rapport au pouvoir politique, notamment dans la période de tension actuelle (mouvement de contestation sociale lié à la réforme de la SNCF et des universités), on observe des positions peu nuancées et intégrant rarement les raisons de manifester des contestataires.
Si la publicité apparaît comme productrice d’externalités négatives, la solution de l’abonnement – c’est-à-dire le consentement-à-payer des lecteurs – paraît aujourd’hui limité car seule une petite partie d’entre eux peut s’abonner à plusieurs titres. Ce consentement-à-payer n’est pas extensible à l’infini, et cette approche paraît donc difficile à élargir à l’ensemble de la population.
D’un autre coté, on a des laboratoires d’expérimentation publicitaire, d’hybridation entre l’éditorial et la publicité (Vice, BuzzFeed, Konbini) qui n’ont pas le statut d’entreprise de presse, mais jouent de la confusion et du mélange des genres. On observe également des marques qui internalisent l’activité de média et produisent leurs propres contenus, en créant ce qu’on appelle les « médias propriétaires ». Pour tout ces acteurs, la confiance du public est à construire et le pari est loin d’être gagné .
Il y a des enjeux démocratiques forts derrière la question de savoir comment on crée un espace public numérique pour les gens qui s’informent entre autres sur internet, et comment on peut informer sur le rôle des entreprises et des annonceurs sur internet alors qu’il y a une telle situation de dépendance aux revenus publicitaires . On se retrouve souvent confrontés à des murs payants lorsqu’on veut accéder à des contenus d’investigation. Le discours public des entreprises durant la COP21 indiquait que celles-ci avaient, par rapport à leur rôle dans la société, d’autres préoccupations que le profit. Il serait à présent pertinent de transformer ces paroles en actes. Un moyen d’y parvenir serait par exemple qu’elles contribuent à financer des contre-pouvoirs au monde de l’entreprise en participant davantage à l’économie des médias mais de façon moins directement intéressée et avec des gardes-fous.
Dans un environnement qui évolue très rapidement, il pourrait être utile de disposer d’un observatoire qui réunisse à la fois des universitaires, des chercheurs et des professionnels, pour que les points de vue et les analyses circulent mieux. Ceci dans le but d’éclairer la connaissance du fonctionnement de l’économie des médias et de la publicité et ses évolutions technologiques.