Ce processus a donné lieu en juin 2008 à la création de l’ARPP, qui a remplacé le BVP comme instance professionnelle financée par les cotisations des adhérents. Sa mission est assez semblable à la précédente : juger de la conformité des campagnes publicitaires aux règles déontologiques (élaborées par l’instance interne, le Conseil d’éthique publicitaire, ou CEP) notamment lorsqu’elles incluent des recommandations de développement durable. Par ailleurs, l’organe jugeant de la conformité aux règles fut modifié avec la création du Jury de déontologie publicitaire (JDP), et une instance consultative incluant des représentants des associations environnementales fut introduite, le Conseil Paritaire de la Publicité (CPP), dominé par les associations consuméristes et familiales plutôt que par les associations environnementales.
Ce dispositif sera jugé assez décevant, et les choses changeront peu. Les plaintes sont vite écartées. Le temps n’est pas le même entre celui de la plainte, plutôt long et celui des campagnes de communication, qui s’accélère de manière croissante. Cependant, la coopération avec les pouvoirs publics prend davantage de place.
Pour les professionnels, l’enjeu principal est de maintenir à distance la régulation. Plusieurs stratégies sont mises en oeuvre à cet effet, notamment le recours à un discours assez surprenant autour de leur incapacité à influencer les consommateurs : le consommateur est présenté d’abord comme ingouvernable. En outre, les entreprises, en défendant le goût des individus pour une culture populaire incarnée par la publicité font valoir l’importance d’une liberté de création qui ne doit pas subir de censure.
Aujourd’hui, la situation est celle d’une industrie fortement sur la défensive pour protéger son auto-régulation, même si les outils des pouvoirs publics restent assez peu coercitifs. Il convient de noter que d’autres outils, mis en place, par le monde militant ont aussi eu une certaine efficacité (comme l’Observatoire Indépendant de la Publicité, actif jusqu’en 2011, ou les Prix Pinocchio) qui en dénonçant, médiatisant, conseillant, permet de remettre en question certaines allégations ou pratiques des entreprises.
On peut envisager plusieurs marges de manœuvre pour faire avancer la régulation : par des stratégies d’alliances, en travaillant d’avantage avec les associations de consuméristes qui ont une vraie expérience sur la dénonciation de la publicité, ou sur les continuités avec les insiders activists dans le monde de la communication; par le renforcement des stratégies les plus efficaces de la société civile, de vigilantisme (veille et dénonciation), et de naming and shaming pour organiser la visibilité de la critique ; par un travail avec les opérateurs des technologies participatives pour créer des outils comme un « yuka du greenwashing »; en travaillant avec les pouvoirs publics enfin, qui ont besoin du soutien des militants dans la mesure où le greenwashing va à l’encontre des messages éducatifs qu’ils peuvent développer.
Selon la chercheuse, la production législative et la sanction du juge ont tendance à suivre l’opinion publique. Aussi en terme de régulation, l’efficacité se trouverait du coté de la sanction de l’opinion publique et de celle du milieu professionnel, car ce sont plutôt des enjeux réputationnels (bad buzz, opprobre) qui vont fonctionner.