Table ronde

Publicité et économie

Le rôle économique de la communication commerciale des multinationales

Animée par Aurore Lalucq, co-directrice de l’Institut Veblen,  la seconde table ronde du colloque SPIM portait sur l’analyse du rôle (macro)économique de la publicité, du modèle économique des grandes marques et des enjeux d’obsolescence programmée. Elle a donné lieu à de courtes présentations successives de 2 universitaires et 2 représentants associatifs.

Retrouvez les vidéos de la table ronde, puis du débat avec le public

Accédez également à la vidéo et la synthèse écrite de chacune des interventions

Vidéo des débats

Vidéo des 4 interventions successives. 1h

Vidéo du débat avec le public. 40 mn

En bref

Alexandre Chirat a restitué les fondamentaux de la théorie économique dans laquelle s’inscrit l’émergence à la fin du 19ème siècle, puis le développement de la publicité. Il a détaillé l’analyse des auteurs institutionnalistes, tels que Thorstein Veblen et John Kenneth Galbraith, en évoquant le rôle de la publicité en tant que stratégie rationnelle de l’entreprise et de l’industrie, et dans les situations d’oligopole. Il défend que dans le contexte d’une mondialisation concurrentielle, les investissements publicitaires ne devraient cesser d’augmenter sans une intervention normative de l’État.

Francesco Turino a détaillé le débat historique qui divise la littérature concernant le rôle de la publicité sur la consommation et les cycles macroéconomiques, à savoir si cette dernière peut influencer à la hausse le niveau de consommation d’une population. Il restitue l’évolution des conclusions de la recherche empirique sur le sujet, et présente les recherches qu’il a mené avec son équipe sur le marché américain de 1976 à 2006. Avec le modèle mathématique singulier qu’ils ont construit, il conclue à un effet positif de la publicité sur la consommation, mais explique également les mécanismes en place, indiquant que l’intérêt économique n’est pas nécessairement l’intérêt de la société.

Nayla Ajaltouni a rappelé comment de grandes marques telles que Nike et Adidas dans le secteur du textile, ont massivement recours à des stratégies de sponsoring. Elle a développé la mesure dans laquelle cette dynamique, couplée avec des stratégiques prédatrices sur le plan social dans les activités de production, répondent à un modèle financier très rentable. Elle dénonce également le modèle industriel de la « fast fashion » et le blanchiment d’image par lequel il entretient la confusion sur ses conséquences sociales et environnementales. Elle évoque enfin le développement d’une offre responsable et le rôle des citoyens dans le changement de modèle.

Samuel Sauvage explique la logique économique à laquelle renvoie l’émergence de la notion d’obsolescence programmée dans l’histoire industrielle. Il développe en particulier la catégorie de l’obsolescence psychologique et le rôle que la publicité joue dans ce phénomène aujourd’hui. Il rappelle les problématiques environnementales et climatiques que ce modèle économique et culturel soulève, modèle dont il questionne les sens, tout en apportant des éléments d’analyses sur les politiques de régulation envisageables.

Cadre problématique

Les organes représentatifs des annonceurs ont longtemps défendu l’analyse néoclassique: la publicité, informative, participe à la circulation de l’information et contribue au développement de la compétition. Les entreprises innovantes se disputent par la publicité les parts d’un même marché, de taille constante.

Pourtant, à la suite de la crise de 2009, l’Union mondiale des annonceurs (WFA) a soudainement fait sien l’argument selon lequel la publicité participe directement à la croissance, y compris en augmentant le niveau de consommation. Dans son rapport européen  2017, le WFA indiquait qu’un euro investi dans la publicité engendrait 7,5 euros de contribution à la croissance.

Insuffisante, la recherche empirique sur le sujet semble indiquer qu’en effet la publicité participe directement à l’augmentation du niveau de consommation. La pensée économique de John Kenneth Galbraith et Thorstein Veblen suppose pour sa part que l’industrie commercialise des produits en s’appuyant directement sur l’effort de communication commerciale, effort utilisé par ailleurs contre la concurrence comme barrière à l’entrée sur le marché.

Les investissements publicitaires et de communication commerciale représentent plus de 30 milliards d’euros annuellement en France, plus de 3/4 sont engagés par quelques centaines de multinationales. Ils s’élèvent à plus de 750 milliards d’euros au niveau global.

La dénonciation des stratégies d’obsolescence programmée, basées notamment sur la mode et le design, montre les questions écologiques que la communication commerciale peut soulever. De même que les dérives du sponsoring dans le secteur du fast fashion, offrent l’illustration d’un modèle prédateur d’un point de vue écologique et social.

DÉBAT : Quel rôle joue la publicité vis-à-vis de la demande de consommation et dans l’équilibre du modèle économique? Quelles questions le modèle de l’entreprise de marque financiarisée soulève-t-il pour les enjeux de transitions écologiques et sociales?

Analystes

ALEXANDRE CHIRAT
Doctorant en Histoire de la Pensée économique à l’Université Lumière Lyon II

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FRANCESCO TURINO
Professeur associé au département économique de l’Université d’Alicante (Espagne)

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NAYLA AJALTOUNI
Coordinatrice du Collectif Ethique sur l’Étiquette

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SAMUEL SAUVAGE
Président co-fondateur de l’association Halte à l’obsolescence programmée

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