Table ronde

Com et influence politique des firmes

L’influence de l’opinion au service du lobbying: des RP à la com d’influence

Animée par Olivier Petitjean, coordinateur du média en ligne L’Observatoire des multinationales, la sixième table ronde du colloque SPIM portait sur l’analyse des stratégies de communication et d’influence de l’opinion publique à des fins de lobbying. Elle a donné lieu à de courtes présentations successives de deux représentantes associatives, un journaliste et producteur, un lobbyste du secteur privé et un représentant du secteur universitaire.

Retrouvez les vidéos de la table ronde, puis du débat avec le public

Accédez également à la vidéo et la synthèse écrite de chacune des interventions

Vidéo des débats

Vidéo des 5 interventions successives. Durée: 1H30

Vidéo des débats avec le public. Durée: 25mn

En bref

Lora Verheecke explique le fonctionnement du lobby au niveau européen dans la « bulle bruxelloise ». Elle revient sur l’importance des agences et cabinets spécialisés, qui mettent en place des stratégies de diffusion d’analyses et de messages commun à travers divers canaux, afin de dominer les débats qui entourent les décideurs politiques. Elle évoque également le rôle clé des spin doctors et des stratégies de communication dans les opérations de lobby politique. Après avoir mentionné les problèmes de « pantouflage » et les dynamiques idéologiques également à l’oeuvre, elle dénonce le manque de volonté politique pour réguler les activités de lobby.

Luc Hermaan évoque les contraintes, financières et de temps, auxquelles font face les journalistes, face à une industrie de la communication à l’influence croissante. Il illustre son propos en expliquant la mise en scène « des bricoleurs du dimanche » qui avait permis à des entreprises de relancer efficacement le débat pour le travail le dimanche. Il revient par ailleurs sur les formes de pression exercées par l’intermédiaire des médias sur sa société de production, en amont de la diffusion d’une émission de Cash Investigation.

Joshua Adel explique que certaines batailles politiques ne peuvent être remportées que suite à un travail idéologique préalable dans l’opinion publique, dans une approche gramscienne du lobby politique. Dans ce cadre, dont il offre plusieurs illustrations, les entreprises assument les projets politiques qu’elles défendent, en engageant une diversité des moyens y compris publicitaires pour mener des batailles culturelles. Il soutient que la régulation des activités d’influence politique est aujourd’hui insuffisante, et identifie plusieurs mécanismes envisageables.

Myriam Douo aborde le sujet de l’agenda « mieux légiférer » (« better regulation ») qui s’est installé au niveau européen, et par lequel se sont institutionnalisées à plusieurs niveaux des portes d’entrées pour les lobbies industriels. Elle explique comment au nom de cet agenda ont été instaurés, dans les processus de production des normes européennes, des mécanismes d’évaluation qui sont sous influence de l’industrie, comme la plateforme « refit ». Elle revient sur la généalogie de cet agenda du « mieux légiférer » et offre des illustrations de ses conséquences politiques et sociétales.

Bernard Dagenais aborde les stratégies dites d’ « astroturfing » que mettent en place les entreprises, et qui ont toutes pour point commun de chercher à tromper le public ou les décideurs. Il détaille et illustre les diverses stratégies mises en œuvre menant par exemple à faire parler de faux acteurs, à diffuser des messages trompeurs, ou à instiguer le doute sur les détracteurs. Il aborde également l’enjeu de la communication sur la responsabilité sociétales des entreprises (RSE), qu’il dénonce comme d’autres stratégies menant à la confusion sur la réalité des activités des multinationales.

Cadre problématique

En tant que groupes de pression, les entreprises mènent des activités d’influence sur les décideurs politiques, à travers des directions et des agences d’ « Affaires publiques », constituées de spécialistes des processus institutionnels. Afin de réguler ces activités, une approche de transparence a été initiée en France et en Europe depuis la fin des années 2000, largement focalisée sur les relations avec les parlementaires, et en partie avec la Commission au niveau de l’UE.

Si le développement récent en France du mandat de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique paraît bienvenu, les mécanismes en place semblent encore insuffisants : ils restent largement basés sur une approche volontaire, et l’exécutif français et le Conseil européen sont trop peu concernés. Cela montre la difficulté du dossier en l’état. Pourtant, la réalité contemporaine des stratégies d’influence politique des entreprises suppose vraisemblablement des mécanismes nettement plus ambitieux.

Dans une société médiatique où l’opinion peut peser lourdement sur les décisions politiques, les entreprises et les agences ne se limitent plus à promouvoir des intérêts dans les processus institutionnels. Aujourd’hui, avec des stratégies de communication corporate capable de disposer tant des experts des affaires publiques que des relations presse, du community management ou même des créatifs (et des budgets) de la branche publicitaire, l’industrie de la communication peut mettre en œuvre des campagnes d’influence sur l’opinion pour mener la bataille sur le terrain politique, culturel et idéologique.

DÉBAT : Dans quelle mesure les outils de la communication sont-ils mis au service de l’influence de l’opinion à des fins de lobbying ? Comment les mécanismes de régulation de la communication commerciale ou du lobbying peuvent-ils envisager la régulation de la communication d’influence ?

Analystes

LORA VERHEECKE
Chercheuse pour l’association CEO (Bruxelles)

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LUC HERMANN
Producteur avec Première Lignes de l’émission Cash Investigation

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JOSHUA ADEL
Lobbyiste et consultant politique

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MYRIAM DOUO
Chargée de campagnes aux Amis de la terre- Europe

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BERNARD DAGENAIS
Professeur à l’Université de Laval  au Quebec (Canada)

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